La lettre de Vaterstetten n°6

Corona – sujet inévitable :

Nous sommes envahis d’informations et d’alertes liées à cette crise qui dérange et entrave notre vie quotidienne en Allemagne comme en France ! 
La campagne de vaccination est en cours, les vaccins et les tests sont disponibles et gratuits, tout le monde attend avec impatience d’entrevoir le bout du tunnel. Pour les personnes n’ayant pas les moyens de se rendre au centre de vaccination d’Ebersberg, un service de transport gratuit est organisé par un groupe de bénévoles.

Inutile de se plaindre ou d’en rajouter des tonnes : Les temps sont durs, les confinements sont ennuyeux, mais nécessaires, et j’en passe …


Cette lettre est exceptionnelle et - pour changer de sujet - voilà une histoire exceptionnelle et extraordinaire mais véridique :

Le voyage de ma Deuch :

Ma deuch (« Ente » en allemand) est une dame de 45 ans, fière, mais frileuse, et un jour elle voulut retourner dans son pays natal au climat chaud, à savoir le midi de la France.
Sa puissance de 24 Chevaux Vapeur correspond à 2 Chevaux Vapeur fiscaux français. C’est bien supérieur à ma première deuch qui n’en avait que 12 comme ma tondeuse à gazon.

Après une dernière révision technique, le réservoir plein et la capote ouverte nous voilà partis de Vaterstetten vers le pays de nos rêves, nous avons mille kilomètres à parcourir.
Il fait beau, grand soleil, le temps est sec (heureusement, car les essuie-glaces sont un peu fatigués). Chapeau et crème solaire sont absolument indispensables dans une décapotable : On peut à peine s’y bouger et le vent empêche de ressentir l’effet brûlant du soleil.  
Sur l’autoroute je pense à la pub classique de Rolls-Royce : « En roulant à 100 km/h dans une Rolls, vous n’entendez que le tic-tac de votre montre ». Réponse de Citroën : « En roulant à 100 km/h dans une 2CV vous n’entendez que le moteur ! »

Impossible d’écouter la radio, les boules quies sont même indispensables. La vitesse sur l’autoroute allemande n’étant pas limitée, on se permet de rouler jusqu’à 110 km/h dans les descentes, oouuuiih !
En tout cas, c’est une façon très agréable et détendue de voyager, les Porsches peuvent bien nous doubler à deux cents à l’heure, je ne les envie pas le moins du monde.

Lors des arrêts aux stations-service, la deuch se fait sympathiquement remarquée. Elle est admirée pour sa belle couleur bleu-marine et je dois toujours répondre aux mêmes questions pleines de curiosité et de respect. En faisant le plein, le fait d’ajouter quelques gouttes d’un liquide mystérieux dans le réservoir suscite très vite des questions. En blaguant je prétends que cet additif me permet de rouler à 150 km/h, alors qu’il sert tout simplement au moteur très ancien de supporter l’essence sans plomb.
Grand étonnement devant le capot du moteur ouvert : Là, toutes les pièces du moteur sont visibles et facilement accessibles. La machine y semble toute petite et ressemble à un jouet d’enfant. Cela est bien différent des voitures modernes où l’on ne voit rien du moteur et où le chauffeur peut seulement remplir le réservoir du lave-glace par lui-même.

Une fois la frontière française franchie, la deuch semble respirer et se réjouir. Avec notre vitesse de croisière modérée il semble raisonnable de quitter l’autoroute, ce qui permet également de faire l’économie du péage ! Malheureusement n’ayant qu’une carte routière de l’Europe à une grande échelle et sans système de navigation à bord, très vite je m’égare en plein campagne. Les économies de péage se sont vite avérées inutiles au vu du temps perdu à chercher le chemin retour vers l’autoroute !

Sur l’autoroute française la deuch se fait beaucoup d’amis et nous croisons beaucoup d’admirateurs (et quelques râleurs). Nous roulons à la même vitesse que les camions avec qui une complicité s’installe rapidement. On se double mutuellement, toujours souriants et en se faisant de grands signes tout ceci accompagné d’un concert de klaxons, un vrai spectacle. Pour bien se faire entendre sur la route j’ai installé une corne de brume marine avec compresseur, trouvée auprès d’un marchand d’articles de marine au port de la Grande Motte. Ceci n’est pas tout à fait légal et n’est pas accepté par le contrôle technique (TÜV), mais le son est vraiment puissant et ressemble bien à celui d’un klaxon de camion.

Alors que je dépasse un camion – à vitesse lente – je remarque qu’un autre camion bloque la voie derrière nous afin que je ne sois pas trop dérangé par les appels de phares nerveux d’une grosse Mercedes roulant également sur la voie de gauche. 
Aux stations-service les spectateurs intéressés par ma deuch sont souvent des camionneurs d’un certain âge, français ou belges. Plein de nostalgie et parfois émus, ils racontent que la 2CV fut leur première voiture ou qu’ils ont appris le métier de mécanicien sur cette voiture. On me remercie même d’avoir fait l’effort de bien l’entretenir et de faire ainsi revivre cette voiture française culte.
Les bons conseils ne manquent pas, mais un certain respect se fait sentir de la part de mes admirateurs car ils savent certainement que le chauffeur d’une voiture de cet âge doit être lui-même bon mécanicien. . . entretien oblige !
Une fois arrivés dans la vallée du Rhône, voyant les premiers cyprées et oliviers nous avons hâte d’arriver. Cette fois-ci nous n’allons pas à Allauch, mais plutôt dans le Languedoc près de Nîmes (la ville avec l’accent !).

Ma deuch garde un très bon souvenir de son entrée en 2014 dans l’arène antique, juste avant les taureaux … ! 
À l’occasion d’une campagne nationale de prévention contre le cancer un rassemblement de plusieurs centaines de 2CV arrivant de toutes les régions du midi fut organisé.

Rassemblement inscrit dans le livre Guinness des records !

Vous imaginez le spectacle de cette file interminable de deuchs traversant la ville et escortée par la police.

Ma 2CV se repose maintenant dans la cour de notre maison en attendant la fin du confinement pour voir de nouveau les oliviers, les vignes, la mer et les Cévennes et pour respirer les odeurs du thym, de la lavande et du laurier des garrigues. Elle a supporté ce long trajet, très fiable et sans le moindre problème technique. 
À la fin j’ai même caressé le volant . . .

Elle est bien connue dans notre village, elle est presque unique et je n’ai jamais eu de PV pour stationnement interdit.
Par contre, j’ai été une fois flashé pour avoir roulé trop vite dans l’agglomération. 53 km/h furent mesurés par la police régionale, qui ne rigole pas.
Les règles pour excès de vitesse sont très strictes (et efficaces) en France et j’ai dû payer 70 € !